Conformité ELAN en copropriété : Recalée au rattrapage

Conformité ELAN en copropriété : Recalée au rattrapage

La loi ELAN a inséré dans la loi de 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, l’obligation de mettre en conformité les règlements de copropriété sur trois points, ceci sous un délai de trois années à compter de la promulgation de la loi.
Ces trois points concernaient les lots transitoires, les droits de jouissance et les parties communes spéciales non affectées de grilles de charges spéciales.

L’absence de sanction explicite faisait craindre le pire.
D’aucun soutenait la disparition pure et simple des droits non régularisés.
D’autres, au contraire, prônaient l’absence d’effet du fait de l’absence de sanction explicite.
Principe juridique de base, une règle, soit qu’elle oblige, soit qu’elle interdise, sans sanction, ne sert rien.

Dire à quelqu’un que, sciemment, il n’a pas respecté une loi, ne le rendra pas plus vertueux, s’il n’y est contraint, à de rares exceptions près.
Ce délai de trois ans étant écoulé depuis quelques mois, le monde de la copropriété était partagé entre ceux qui incitaient à continuer à régulariser les règlements non encore mis aux normes et ceux qui prétendaient que régulariser un droit au-delà du délai imparti ne permettait pas de faire renaître un droit qui s’est éteint.

En bref, s’opposaient les « mieux vaut tard que jamais » et les « après l’heure, c’est plus l’heure ».

Suspense pendant plusieurs mois et enfin, le législateur nous a tous libéré d’un poids en nous donnant la solution, sans devoir attendre les quelques années qui nous auraient séparé d’une décision de la Cour de Cassation, le Conseil Constitutionnel étant disqualifié pour avoir déjà examiné la loi ELAN avant sa promulgation.
Vous pouvez dormir tranquille, maintenant, on sait !
La loi n°2022-217 du 21 février 2022 relative à « la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale » a enfin levé le suspense !

Notez que lorsqu’un texte législatif parle de simplification, on s’attend au pire.

Tout est contenu en un seul article, l’article 89 ainsi rédigé :

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique est ainsi modifiée :

1° Le II de l’article 206 est ainsi rédigé :
« II.-Les dispositions relatives au lot transitoire de l’article 1er de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ne sont applicables qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022.

« Pour les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022, quand le règlement de copropriété ne mentionne pas la consistance des lots transitoires existants, le syndicat des copropriétaires inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de cette mention dans le règlement de copropriété. Cette décision est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présentés, représentés ou ayant voté par correspondance. L’absence de mention de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ce lot. » ;

2° Le II de l’article 209 est ainsi rédigé :
« II.-L’article 6-4 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis n’est applicable qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022.

« Pour les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022, quand le règlement de copropriété ne mentionne pas les parties communes spéciales ou à jouissance privative existantes, le syndicat des copropriétaires inscrit à l’ordre du jour de chaque assemblée générale des copropriétaires la question de cette mention dans le règlement de copropriété. Cette décision est prise à la majorité des voix exprimées des copropriétaires présentés, représentés ou ayant voté par correspondance. L’absence d’une telle mention dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ces parties communes. »

Et je ne résiste pas à l’envie de vous en livrer le résumé en trois points :

1°)
Pour les lots transitoires, l’obligation d’être formé « d’une partie privative constituée d’un droit de construire précisément défini quant aux constructions qu’il permet de réaliser et d’une quote-part de parties communes correspondante. » n’est obligatoire que pour les règlements de copropriété postérieures au 1er juillet 2022. A l’inverse, « Pour les immeubles dont la mise en copropriété est antérieure au 1er juillet 2022 (…) L’absence de mention de la consistance du lot transitoire dans le règlement de copropriété est sans conséquence sur l’existence de ce lot».

Pour ceux qui sont joueurs, mettez votre immeuble en copropriété le 1er juillet, le législateur a oublié de le prévoir !

Au passage, soulignons que dans une copropriété existante, il est toujours possible de créer un lot transitoire constitué de droits à bâtir non précisément définis puisque le critère de soumission à cette obligation n’est pas la date de création du lot, mais bien la date de mise en copropriété !

2°)
Pour les parties communes spéciales, rappelons que l’une des obligations issues de la loi ELAN portait sur le fait que « La création de parties communes spéciales est indissociable de l’établissement de charges spéciales à chacune d’entre elles. »
De cette règle, nous pouvions déduire que la création d’une partie commune spéciale non dotée d’une grille de charges spéciales correspondante, perdait sa « spécialité » et devenait une partie commune générale.
Ce point n’évolue pas, le législateur n’a rien modifié.

3°)
L’article 6-4 de la loi de 1965 issu de la loi ELAN, disposait que « L’existence des parties communes spéciales et de celles à jouissance privative est subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété ».

Il fallait donc que les règlements de copropriété mentionnent :
Les parties communes spéciales
Les parties communes à jouissance exclusive

Chacun aura compris que l’intérêt de cette précision n’est pas de rappeler qu’il s’agit de parties communes, mais bien de préciser la particularité de ces deux types de parties communes, soit parce qu’elles sont spéciales, soit parce qu’elles sont à jouissance exclusive.

Et bien le législateur a pris le soin de préciser que :
Cette obligation n’est applicable qu’aux immeubles dont la mise en copropriété est postérieure au 1er juillet 2022.
L’absence de mention des parties communes spéciales et des parties communes à jouissance exclusive dans les règlements de copropriété des immeubles mis en copropriété antérieurement au 1er juillet 22 est sans conséquence sur l’existence de ces parties communes.
Passons sur les mises en copropriété qui auront lieu le 1er juillet 2022.
Personne n’a jamais remis en cause le fait qu’il s’agisse de parties communes. Parties communes elles étaient, parties communes elles resteront.

Mais la question concerne leur particularité !
Demeurent-t-elles des parties communes spéciales pour les premières et sont-elles toujours grevées d’un droit de jouissance exclusive pour les secondes ? Ou au contraire, l’absence de mention a-t-elle pour effet de les requalifier en partie communes générale grevé d’aucun droit de jouissance ?
C’était là tout l’enjeu du débat et le législateur n’en dit pas un mot, le débat reste donc ouvert.
Nul doute que pour être tranquille, il est urgent de mettre en conformité vos règlements de copropriété …

Cédric BELLOTTI
Directeur Juridique